Lupo Pulp

Roman d'aventures

Lupo Pulp

Vivez les aventures barrées et palpitantes du plus beau des détectives, Boris Lupo, un loup anthropomorphe dans un Novo Lugdunum d’un 1924 alternatif.

Action, humour et suspense seront aux côtés de notre privé, ainsi qu’un soupçon de Steampunk !

Alors qu’il se remet d’une nuit agitée passée en bonne compagnie, Lupo se retrouve dans un piège infernal duquel il aura bien du mal à s’extirper. Qui lui en veut à ce point ? Son rival El Gato ? Un nouvel ennemi ? Un mari jaloux ? Tout est possible...mais ça va barder et notre loup pourrait y laisser des poils.

Broché Lupo Pulp, de Nicolas Pellolio.
Broché Lupo Pulp, de Nicolas Pellolio.
Ebook Lupo Pulp, de Nicolas Pellolio
Ebook Lupo Pulp, de Nicolas Pellolio

ISBN : 979-8337506210

Nombre de pages : 278 pages

Date de sortie : 03 septembre 2024

Lire un extrait - Chapitre 1
Une souris qui dormait

On m’appelle Boris Lupo. Lupo veut dire loup en italien. Ce n’est pas usurpé, car j’ai le poil gris et soyeux, une longue queue et un long museau noir agrémenté de belles moustaches. Mon costume pourpre, moulant avantageusement ma musculature, me sied comme un gant : cintré à la taille, il épouse parfaitement mes puissantes épaules, tandis que le jabot blanc rehausse la beauté de ma gueule. Je ne porte pas de chapeau, cela étoufferait les sons que captent mes deux oreilles toujours dressées, guettant le moindre pas, repérant le moindre mouvement, fût-ce celui d’une souris. Et croyez-moi, des souris, j’en chasse. Je tue les rats et je séduis les souris. Point. Mon physique avantageux et ma voix suave font tourner les têtes des jeunes et moins jeunes. Sans oublier ma classe également, et mon style naturel, qui font merveille. Sans compter mon esprit, fin et subtil. Après tout je suis Lupo, et mon nom n’est pas usurpé. Je suis le plus beau représentant de ma race. Mes ancêtres batifolaient dans les steppes de Sibérie, ça vous donne une idée.

Oh, vous devez vous dire que je suis d’une prétention sans égal et c’est vrai. Je n’y peux rien si je suis le meilleur, c’est de naissance. Prenez la petite souris blanche couchée contre moi. Elle a le poil reconnaissant, l’œil éteint par les sommets de plaisir que je lui ai fait atteindre. Sabine, qu’elle s’appelle… si je me souviens bien. À deux doigts de la syncope, elle est passée, la petite.

Je la considère un instant, est-elle belle cette petite. Puis, sans faire de bruit – encore une de mes remarquables qualités – je me lève et mes pattes s’enfoncent dans l’épais tapis blanc. Je ne sais pas où elle a trouvé ce truc moelleux, Sabine, mais je l’emporterais bien avec moi tout à l’heure, lorsque je me carapaterai en douce. Ah oui, c’est évident. Je ne vais pas rester. Je ne peux pas, mes autres conquêtes m’en voudraient terriblement.

La nuit est fort avancée, mais aucun signe avant-coureur de l’aube à l’horizon. Je vois par la fenêtre un superbe Zeppelin Mk5 qui se traîne paresseusement dans le ciel. Sans doute un riche nabab qui rentre chez lui. Les lumières clignotantes de ces engins les font ressembler à de grosses lucioles évoluant dans la stratosphère. Je rêve de pouvoir monter dans une de ces merveilles, mais ça sera pour le jour où leurs tarifs seront abordables pour un privé comme moi. Je dois malheureusement me contenter des bus vapeur, qui cahotent dans les rues de Novo Lugdunum depuis des lustres.

Je regarde ma montre, une Stund Mk1, et j’actionne le petit levier. Le clapet d’étanchéité se soulève et les chiffres luminescents flashent dans le noir. Je cligne des yeux et j’arrive enfin à lire l’heure : 5 heures 05. L’heure de se coucher. Ou pour ceux comme moi qui ont eu une nuit agitée, il est l’heure d’un café. Curieusement, j’ai envie de tabac. Je me dirige vers mon pardessus délicatement posé sur une chaise. Je retire d’une poche un paquet vide. Damnation ! On a dû fumer les dernières avant de venir ici. À peine avait-on franchi le seuil qu’elle m’enlaçait, la chérie. Collée contre moi tel un sparadrap. Pas eu le temps de boire ni de parler davantage. Il faut dire que je l’avais chauffée toute la soirée : un whisky au bar, puis un resto, puis un autre bar, dans lequel on a vidé une bouteille.

Bon, si je veux fumer, va falloir que j’aille acheter un paquet. Je crois avoir remarqué un distributeur automatique au coin de la rue. Je m’habille en vitesse, mais j’omets quelques pièces de vêtements. J’enfile donc ma culotte, mon pantalon, ma chemise et ma veste. Je laisse sur la chaise le gilet gris et ma cravate bleue. J’ai l’air négligé ainsi, mais je fais un simple aller-retour rapide et vu l’heure je ne devrais croiser personne. Je jette un œil à Sabine. Elle n’a pas bougé d’un poil. Son joli petit museau rose frétille légèrement. Ses mignonnes moustaches frémissent doucement. Inutile de la réveiller, elle ne saura même pas que je suis parti. J’atteins la porte en un léger bond, mais au moment où j’avance le bras pour attraper le bouton, elle s’ouvre avec fracas. Je n’ai pas le temps de bouger que je louche sur le canon d’un flingue collé contre mon museau. Modèle Peretta 1931, à air comprimé. La référence de rue pour tout ce qui est du boulot silencieux. Il faut dire que ce pistolet fait moins de bruit qu’un pet sous la couette.

La main qui le tient est recouverte de poils bruns tirant sur le roux. Au bout du bras se tient un connard que je ne connais que trop bien. Son museau de faux jeton est reconnaissable entre mille, car une des narines a été agrandie au couteau. Faut dire qu’il m’avait passablement gonflé ce jour-là. Il m’en veut à mort, car depuis cet incident, dans la rue, on le surnomme « scarface ». Étrangement, cela ne lui plaît pas. C’est un privé, comme moi, mais ses méthodes feraient vomir un bouc. Les miennes feraient sans doute fuir une vipère, mais lui, vraiment, c’est un malhonnête.

— Quelle mauvaise surprise, El Gato ! Je ne sais pas ce que tu fous là, mais barre-toi vite.

Il ricane. Il est plus petit que moi, et plus fin. Tout en nerfs, ce petit merdeux.

— Je t’assure que tu vas aimer la raison de mon intrusion, Lupo. Recule, ou je t’abats.

Par un malencontreux réflexe – dû à la surprise plus qu’à la peur – je recule de deux pas. Pas stupide, il reste sur le seuil. C’est un pourri, mais il n’est pas bête. J’évalue mes chances de lui faire sauter le révolver des mains d’un coup de patte, mais j’ai l’impression qu’il n’attend que ça.

— Recule encore.

J’obéis. Je sens la rage monter en moi. Me retrouver à la merci de ce salopard me rend dingue.

— Tu vas me dire ce que tu fous là ?

Il sourit de plus belle. C’est qu’il va finir par réellement me faire peur, ce satané matou.

— Tss tss, toute chose en son temps. Mais je n’ai pas beaucoup de temps, à vrai dire. Laisse-moi juste t’avertir que cette fois-ci, tu es foutu.

— Qu’est-ce que tu…

La phrase reste coincée dans ma gueule. Je viens d’apercevoir qu’il porte des gants. Il ne porte jamais de gants. Il ne porte des gants que s’il ne veut pas laisser d’empreintes. Je découvre la première pièce du puzzle. Je laisse échapper un ricanement.

— Tu es sérieux ? Tu veux me faire le coup éculé de faire endosser un meurtre ? C’est ça ? Tu as buté un type et tu veux me faire porter le chapeau ?

— Mais quelle horreur ! s’indigne-t-il. Comme si j’étais capable d’imaginer un pareil coup tordu. Tourne-toi.

— Plutôt crever.

Il rit d’une façon qui lui est propre. J’ai trop souvent entendu ce rire. C’est celui qu’il fait résonner quand il joue un bon tour à quelqu’un. Le son est une affreuse dissonance qui part dans les aiguës. C’est à mi-chemin entre de la vaisselle cassée et une scie ripant sur une pièce de métal. Le résultat est affreux et me contracte les bourses.

Il hausse les épaules et lève son bras. Je vois le canon dirigé droit entre mes deux yeux.

— Comme tu veux. C’est peut-être plus simple ainsi.

— Joli flingue. Tu l’as reçu pour ton Noël ?

Je sens avec frayeur qu’il va tirer. Je ne conçois pas de mourir mal habillé, de surcroît peu avant l’aube. Dans le lit d’une mignonne, je veux bien, mais pas debout dans un salon. Et surtout pas de la main de ce Félix de caniveau.

— Attends ! OK, je me retourne.

Je n’ai pas le temps de faire face à la porte-fenêtre que je sens une terrible douleur dans la nuque. Par réflexe, je plaque ma main sur la zone endolorie et je me retourne. El Gato me regarde en riant, une seringue à la main.

— Petit crevard…

Mon insulte reste en suspens, car je me sens partir. Par un heureux réflexe ancestral, je lance un crochet du droit qui l’atteint à la mâchoire. J’ai le plaisir d’entendre un os craquer avant de perdre connaissance et de m’écrouler sur le tapis. Vraiment moelleux ce truc.

Je reprends connaissance lorsque quatre pattes puissantes me soulèvent comme un fétu de paille. Je gémis, car mon cerveau est noyé dans de la mélasse. J’ouvre péniblement les yeux et le spectacle qui m’accueille me fait soupirer. Un gigantesque Bulldog se trouve devant moi. J’ai beau être grand, je lui rends quand même dix bons centimètres.

— Commissaire Shamrock, que me vaut le plaisir ?

— Fais pas le malin, Lupo. Cette fois-ci, tu es cuit.

Je connais le lascar. Deux mètres de haut, une mâchoire à faire pâlir un bloc de marbre et deux pattes épaisses comme une côte de bœuf. Signe particulier : il hait les privés – El Gato en tête de liste et moi juste après – et possède un caractère noir comme sa truffe. Il est perpétuellement de mauvaise humeur et la seule façon qu’il ait trouvé pour se relaxer est de taper sur quelqu’un. Si possible un privé et obligatoirement avec force.

— Je ne comprends pas.

Je tente de me dégager, mais ses deux sbires – deux Bulldogs à peine plus petits que lui – me maintiennent solidement. Je remarque avec horreur que Shamrock tient un révolver à l’aide d’un mouchoir. C’est le Peretta que tenait El Gato. Mes testicules me remontent dans la gorge. Ça commence à sentir un bordel de port à marée basse et ça me fait peur.