Accompagnez Barnadelle dans sa propre mémoire
Lorsque Gaston Barnadelle, fraîchement retraité de soixante ans, se tourne vers son passé, il ne voit qu'une vie d'enquêtes...ratées, une promotion de commissaire chanceuse, une fin de carrière triste et morne. Mais il suffit d'une lettre anonyme pour le décider de partir à Morteseaux. "40 meuretes en 40 ans", "Votre dernière chance de vous racheter", précise la lettre. Confus, incapable de se remémorer quoi que ce soit au sujet de ce village, incapable de comprendre pourquoi cette lettre lui est adressée, il décide tout de même de partir, par ennui plus que par curiosité. Un village perdu en pleine campagne. à quelques heures de bus de Lyon, un village d'une centaine d'habitants qui doit son nom à un cloaque, une mare d'eau stagnante et noire, putride qui trône à son extrémité.
Qu'y trouvera-t-il ? Une énigme ? Un passé oublié ? Une enquête bâclée ? Une relation délaissée ? Ou tout simplement un retour dans sa propre vie ? Et si on lui donnait le moyen de se racheter, de modifier ce qu'il a raté durant 40 ans ?
Retour à Morteseaux
Roman policier noir
Retour à Morteseaux
1986. Gaston Barnadelle, commissaire lyonnais à la retraite, reçoit une lettre anonyme qui dénonce quarante meurtres en quarante ans dans un petit village nommé Morteseaux. Il se serait volontiers débarrassé de ce courrier si le message ne se terminait pas par cette phrase : « C’est votre dernière chance de vous racheter ».
Il rallie donc ce village perdu et une fois sur place constate avec stupeur que la mémoire lui revient petit à petit. Il se rappelle avoir enquêté plus de quarante ans auparavant dans cet endroit, sur la mort d’un adolescent noyé dans un cloaque noir et profond, une mare d’eau morte, qui a donné son nom au village.
Une enquête qu’il avait bâclée, comme toutes les affaires qu’il a pu gérer durant quarante ans. Il retrouve la fille de l’aubergiste, laideron avec qui il avait passé une nuit…et qu’il n’a jamais revue, ainsi qu’un impressionnant géant, le médecin local, qui l’avait si bien renseigné quarante ans plus tôt.
Personne n’avoue lui avoir envoyé cette lettre, si bien qu’il décide de repartir le lendemain. Mais un étrange événement l’attend à son réveil. Il se retrouve dans le corps de ses vingt ans, avec son esprit de soixante ans, toujours à Morteseaux, mais celui de 1946.
Ainsi commence pour lui un interminable changement d’époque, entre 1946 et 1986, ce qui lui permettra d’essayer de comprendre pourquoi le cimetière s’agrandit chaque année.
Trouvera-t-il des réponses à ses questions ?
Parviendra-t-il à résoudre son enquête ?
Plus important encore, réussira-t-il à mettre de l'ordre sans sa vie ?
ISBN : 978-2494286139
Nombre de pages : 247 pages
Date de sortie : 13 octobre 2023
Disponible dans les abonnements Kindle et Kobo+
Lire un extrait - Chapitre 1
Gaston Barnadelle tentait de rester éveillé, mais le paysage qui défilait à travers la vitre du bus le berçait et menaçait de l’endormir. La monochromie de la campagne enneigée lui liquéfiait le cerveau, ses yeux commençaient à distinguer des figures sombres dans les plaines blanches. Il secoua la tête et consulta sa montre, une vieille Tissot suisse aussi âgée que lui. Elle indiquait 14 heures 37. Il soupira, il lui semblait être monté dans ce bus aux amortisseurs préhistoriques des heures auparavant alors que cela ne faisait que trente-sept minutes. Il tourna la tête et se tortilla sur son siège. Il était seul. Mis à part le conducteur bien entendu. Il sourit amèrement : il devait bien être le seul inconscient à vouloir se rendre à Morteseaux, village de cent cinquante âmes, perdu en pleine Saône-et-Loire. Il fut tenté de se lever et d’aller faire causette au chauffeur, mais deux raisons le retinrent : premièrement il savait que c’était dangereux de parler à un chauffeur, surtout sur des routes givrées et enneigées et deuxièmement, le froid ambiant avait ravivé ses rhumatismes. Il n’avait pas envie de quitter son siège à peine chauffé par ses fesses pour aller goûter à un autre siège glacé.
D’après le préposé à la station de bus, le trajet devait durer un peu plus de trois heures. Barnadelle devait se trouver une occupation pour passer le temps. Il mit une main dans sa poche et en ressortit une enveloppe, reçue le jour précédent et responsable directe de son voyage. De cette dernière, il en sortit une lettre tapée à la machine, pliée en quatre. Il la déplia et la relut pour la dixième ou onzième fois en moins de vingt-quatre heures.
À l’attention de Monsieur le Commissaire Gaston Barnadelle, rue des Basses-cours 11b, Lyon.
Monsieur Barnadelle,
40 meurtres ont eu lieu dans le village de Morteseaux (Saône-et-Loire) en 40 ans. Venez au plus vite.
PS. Venez. C’est votre dernière chance de vous racheter.
Morteseaux, 3 mars 1986
Et c’était tout. Pas de salutations et en guise de signature, le lieu et la date.
Barnadelle, après avoir lu cette lettre, avait tout d’abord été tenté de la jeter à la poubelle, mais son regard s’était figé sur le nom du village. Morteseaux…il le connaissait, ce village, non ? Où avait-il pu bien voir ce nom ? Il avait consulté une carte de France, épinglée contre le mur de son bureau, chez lui. Une habitude de flic tenace, pas très décorative, mais pratique. Il n’y avait pas trouvé le village, malgré le temps passé à scruter la carte avec une loupe. Il avait dû téléphoner aux renseignements qui lui avaient confirmé l’existence de ce village en Saône-et-Loire. Puis, en bon ex-commissaire, il avait appelé son remplaçant à la PJ de Lyon, un jeune arrogant nommé Dutronc. Après quelques minutes de bavardage quasiment stérile, Barnadelle lui avait fait part du contenu de la lettre. Le commissaire avait éclaté de rire, lui avait conseillé de jeter la lettre et de se mettre à une activité plus adaptée à son statut de retraité, comme les mots croisés. Barnadelle avait raccroché et, piqué au vif, avait alors décidé de se rendre à Morteseaux. Il n’osait se l’avouer, mais il s’ennuyait ferme depuis sa mise à la retraite. Il ne s’était jamais marié et n’avait jamais eu d’enfants. Personne pour s’inquiéter s’il s’absentait quelques jours, en tout cas.
Mais avant de faire sa valise, il avait ardemment désiré se rappeler où il avait entendu parler de ce village. Il s’était mis à faire les cent pas dans son salon, cherchant dans sa mémoire, mais sans succès. Il s’était alors emparé de la lettre et en admirateur des méthodes de Sherlock Holmes, il avait tenté d’en tirer le maximum d’informations. Il regrettait toujours dans ces cas de ne pas fumer ni la pipe ni le cigare, mais il avait une sainte horreur du tabac, que ce soit son odeur ou son goût. La lettre avait été écrite à la machine, sur un papier bien banal. L’adresse sur l’enveloppe également.
Après quelques vérifications supplémentaires, il avait dû capituler : ni l’enveloppe ni la lettre ne contenaient un quelconque indice…en tout cas rien qui ne lui permît d’identifier son mystérieux auteur. Et il restait cette étonnante phrase : « vous racheter ». De quoi était-il coupable ? Il avait alors haussé les épaules, puis enfilé dans une valise quelques habits chauds, des bottes et glissé son arme de réserve – cadeau de ses collègues lors de son départ – dans une paire de chaussettes, bien au fond, sous les culottes. Il avait appelé les renseignements encore une fois, pour connaître les horaires des bus. Il n’avait jamais été fichu d’apprendre à conduire, par peur et angoisse de se retrouver responsable du destin des autres, en cas d’accident.
Barnadelle replia la lettre et la rangea dans son enveloppe, qu’il remit dans sa poche. Une fois ce trajet interminable…terminé, il trouverait bien qui en était l’auteur. Mais résoudre ce mystère ne serait que le premier d’une longue série : qui avait été tué ? Par qui ? Pourquoi ? Pourquoi personne n’avait-il appelé la police ? Pourquoi l’appeler, lui, alors qu’il était à la retraite et donc sans aucune autorité officielle ?
Émergeant lentement de ses pensées, il se remit à observer la neige, les collines qui formaient des monts crémeux, les arbres détonnant de par leur noirceur dans cette blancheur qui faisait presque mal aux yeux. Par lassitude, il les ferma et le résultat ne se fit pas attendre : il s’endormit.
— Inspecteur Barnadelle ! Gaston !
Je me retourne brusquement, intrigué par ces cris poussés par une femme. Je vois ma chère Léontine, la fille de l’aubergiste.
— Léontine ? Que se passe-t-il ?
Essoufflée, la jeune fille s’arrête et me sourit. Un sourire édenté malgré son jeune âge. Elle est laide, la pauvre, mal fagotée et au visage ingrat. Mais elle est gentille, adorable, même et elle m’a traité comme un roi pendant mon court séjour dans ce trou perdu. Nous avons développé une relation amicale assez forte en très peu de temps. Il me semble même que nous avons fricoté le soir précédent…après avoir passablement picolé.
— Tu as oublié ta sacoche ! me dit-elle en me tendant ma besace en cuir brun.
— Merci, Léontine ! Je ne sais pas ce que je ferais sans toi.
Elle rosit du compliment. Pendant ces trois jours, elle m’a fait du gringue à en devenir gênant. Si seulement elle n’avait pas été aussi moche…
— Cette fois-ci, je pars, merci encore !
Je lui fais la bise, elle se colle dans mes bras. Elle me regarde avec un air triste, des yeux demandeurs, elle désire plus que tout que je la sorte de ce trou perdu…Morteseaux…le nom dit tout. Même les eaux meurent dans ce petit village d’une centaine d’habitants. Malheureusement pour elle, j’ai terminé mon enquête et je compte bien repartir, mais sans elle. Une fois de retour à Lyon, je pourrai classer le dossier. L’enfant s’est bien noyé, c’était un simple accident. Pas un meurtre, non, un simple accident...et ceci même si un élément indique que…
Barnadelle se réveilla d’une façon pénible quand sa tête alla heurter le siège situé devant lui.
— Saloperie de verglas ! cria le chauffeur en tournant son volant dans tous les sens, mais celui-ci ne semblait plus connecté aux roues. Le bus était désormais doué d’une vie propre et n’en faisait clairement qu’à sa tête. Barnadelle, bien réveillé, s’agrippa de ses deux mains au siège qui lui avait donné un coup de boule. Le bus tangua à gauche, puis à droite, revint vers la gauche et finit par s’immobiliser dans un tas de neige fraîche.
— Bon Dieu de bon Dieu de bon Dieu ! s’exclama le chauffeur.
Barnadelle soupira, prit sa valise et se dirigea vers l’avant du bus.
— Ça va ? demanda-t-il.
— C’est pas ma faute, c’est ce maudit verglas !
C’était un homme de plus de soixante ans, à la moustache blanche.
— Ne vous en faites pas. Sortons !
— Plus de quarante ans que je conduis ce bus et c’est la deuxième fois que ça m’arrive ! Tiens, d’ailleurs la dernière fois, c’était il y a quarante ans !
« Quarante ans ? J’étais un jeune inspecteur, à cette époque », pensa Gaston.