Coccozza tentait de reprendre son souffle, mais sa séance avec Amanda l’avait quasiment laissé sur le carreau. Il ne sentait même plus battre son cœur, car à ce stade, il avait ri de la bradycardie, dépassé l’arythmie, retrouvé l’embryocardie, sublimé la tachycardie, frôlé la myocardie et développé une dextrocardie.
Mort au rat
Polar rétro : saga du détective Lorfeuvre tome 2
Mort au rat
La nourriture italienne risque fort d'être indigeste en cet automne 1961, car une mafia tente de prendre ses quartiers à Paris. Attentats, rackets et rachats de clandés sont au menu ! Toujours secondé par ses deux fidèles adjoints, le désormais détective Lorfeuvre sera confronté à un rat noir de taille - modèle italien - un parrain jobard qui a jeté son dévolu sur Paris et qui compte bien se l'approprier. Heureusement pour les trois membres de l'agence Lorfeuvre, une nouvelle recrue de taille viendra les épauler : Béatrix Beccus, dite BB. Belle à faire complexer Grace Kelly, intelligente à faire chialer de Vinci et possédant un pouvoir d'allumage supérieur à la bombe H, elle aura le chic de se fourrer où il faut et où il aurait mieux fallu qu'elle n'aille pas... pour les mafieux ! À quatre, et sans aucune aide de la PJ, ils devront faire face à des criminels sans remords, violents et vicieux. Rafales, exécutions, incendies, prostituées et mafieux, primes alléchantes, l'addition s'annonce plus que salée et nos héros risquent fort de faire une indigestion de spaghetti ! Mort au rat est le deuxième roman d'aventures du détective Lorfeuvre et de son équipe. Argot, humour et crimes saupoudrés de drames sont au rendez-vous !
ISBN : 979-1040511540
Nombre de pages : 251 pages
Date de sortie : 21 février 2022
Lire un extrait - Chapitre 1 :
Pizza aux quatre fromages
Paris, 6 octobre 1961
Bénédict Lorfeuvre se leva d’un bond de son lit, sautant à pieds joints dans son futal et boutonnant sa limace à la vitesse de l’éclair. Il se mira dans le miroir et ce qu’il y vit le fit sourire.
« Nom de Dieu, que je suis classe pour quarante et un ans !», se congratula-t-il en faisant jouer ses muscles sous la chemise. Il rentra le peu de ventre qu’il avait et grogna de satisfaction.
Tout en nouant sa cravetouze bleu ciel, il jeta un œil rempli d’orgueil vers son pageot, sur lequel reposait une charmante demoiselle. Sa chevelure blond clair se détachait à peine des draps blancs immaculés - seulement par endroits, car les ébats de la nuit avaient été sévères. Cette couleur de cheveux lui rappela ce qu’il avait à faire ce matin et à la perspective de cette tâche plus qu’agréable, il perdit le souffle. Il dut s’obliger à inspirer profondément et expira bruyamment. Il ne s’était pas senti aussi nerveux depuis son adolescence, quand il s’était retrouvé à l’âge de quatorze ans nu et en compagnie de ses deux cousines délurées de seize ans.
Depuis le décès de Bernadette, il y avait de cela une année, il avait enchaîné mousmés, professionnelles, amatrices et femmes mariées. Il s’était réfugié dans une surconsommation pour tenter de compenser le vide affectif laissé par le meurtre de la seule femme qui l’avait inspiré à se mettre en couple. Il avait alors décidé que jamais plus il ne passerait deux nuits d’affilée avec la même femme. Et il y était parfaitement arrivé.
Il s’assit sur le bord du lit et caressa la douce peau du dos de sa conquête nocturne. Elle gémit sous la chatouille et se retourna.
— Tu fais quoi, tout habillé ? demanda-t-elle en clignant des yeux, car la lumière matinale lui agressait la rétine.
— Je pars au turf, ma poulette. Reste tranquille, dors encore autant que tu veux.
Il l’embrassa et se leva. Elle sourit, rejeta les draps et la couverture, se découvrant entièrement, faisant apparaître son joli corps. Elle avait à peine trente ans et cela se voyait. Bénédict admira d’un œil concupiscent le physique ainsi offert, mais s’accrocha à ce qu’il devait faire.
— Désolé, jolie poupée, mais je dois vraiment filer.
La fille se renfrogna et rabattit les draps d’un geste rageur.
— Je peux me brosser pour le deuxième service, si je comprends bien, grommela-t-elle.
— Referme bien la porte en partant, cria-t-il en mettant son galure.
Il sauta dans sa 404 blanche et démarra. Dix petites minutes plus tard, il se parqua près de son bureau, la désormais « Agence Lorfeuvre, enquêtes en tout genre ». Créée au cours de l’année précédente lorsqu’il avait pris sa retraite de la PJ, elle avait pris de l’essor et ses deux fidèles adjoints, Racicot et Paillefer, ne suffisaient plus à le seconder. Il avait non seulement besoin d’un enquêteur supplémentaire, mais il fallait que ce soit une femme de surcroît. La gent féminine possédait des avantages propres à leur sexe quand il s’agissait d’interroger ou de voir une affaire sous un angle différent. Cela faisait une année qu’il en rêvait et le moment était enfin arrivé ! Si tout se passait bien, son agence emploierait d’ici moins d’une heure la plus sublime des femmes, celle qui possédait un pouvoir d’allumage à foutre des complexes à la bombe H et une perspicacité à faire chialer Sherlock Holmes : Béatrix Beccus, dit BB.
Il ouvrit la porte de l’agence, huma avec horreur le parfum de mâle négligé qui s’en dégageait et fila ouvrir toutes les fenêtres pour aérer. Il se promit de réprimander ses deux adjoints quant à leur niveau d’hygiène corporelle, surtout au niveau des arpions. Il contempla avec satisfaction la pièce : il l’avait aménagée dès le début pour quatre personnes. Son propre bureau au fond, face à la porte d’entrée, puis deux plus petites tables à sa droite, perpendiculaires, occupées par Laurel et Hardy et en face, donc à sa gauche, un joli bureau de bois peint en blanc, parfait pour accueillir une secrétaire…ou une enquêtrice chouquette chic de choc. Lorfeuvre se sentait nerveux à l’idée de la revoir, mais plus pour les mêmes raisons qu’auparavant. Il était finalement serein par rapport à cette femme. Depuis qu’ils avaient, lui et ses hommes, appris le grand secret de Béatrix, il n’avait plus la conscience putride de ne pas réussir à la séduire. Ils avaient tous les trois décidé de ne jamais lui en parler et de ne révéler à quiconque l’orientation intime de cette femme. Ils s’étaient promis de respecter sa vie privée, surtout si elle venait travailler avec eux. Lorfeuvre avait pourri ses deux hommes jusqu’à ce qu’ils jurent de ne pas faire des allusions graveleuses à tout bout de champ. Par contre, cela ne les empêchait pas tous les trois de fantasmer solidement sur les nuits de Béatrix. Ils auraient donné quelques années de vie pour connaître l’heureuse et chanceuse femme qui logeait dans son cœur.
Il fut tiré de ses réflexions par trois coups frappés fermement à la porte. Il sursauta et cria un « entrez ! », tandis qu’il se passait les mains dans les cheveux dans un réflexe de séducteur, complètement inutile en pareil cas.
La porte s’ouvrit et il vit avec plaisir Béatrix entrer. Il ne l’avait pas vue depuis des mois et il fut comme à chaque fois ébahi par sa beauté. Vingt-sept ans, un mètre soixante-quinze de magnificence blonde impeccablement vêtue. Elle portait une jupe noire, qui s’arrêtait à mi de ses incroyables cuisses, une veste blanche cintrée à la taille et des chaussures noires à talons. Sa longue chevelure blonde ondoyait au rythme de sa démarche, sensuelle sans être provocante. Bénédict déglutit avec peine et sentit son cœur s’emballer. Elle lui avait toujours fait un effet bœuf. Les beaux yeux verts de Béatrix s’agrandirent quand elle les posa sur Lorfeuvre.
— Monsieur Lorfeuvre ! s’écria-t-elle joyeusement en se précipitant pour l’embrasser.
— Béatrix ! Quelle heureuse…euh…surprise, je veux dire, plaisir de te…vous revoir.
Il se maudit une fois de plus. Lui qui séduisait quatre femmes par semaine n’arrivait pas à se comporter naturellement en sa présence. Elle lui faisait perdre tous ses moyens. Elle éclata de rire et tourna sur elle-même, pour mieux voir la pièce.
— Alors, c’est ici que vous sévissez avec Jules et Benoît ? demanda le fer à souder.
— Oui, sourit Bénédict, c’est ici que cela se passe. Et c’est ici que j’aimerais que vous veniez travailler tous les jours.
Il commençait à retrouver son calme, concentré sur ses arguments afin de la persuader de les rejoindre au sein de l’agence. Il en avait un de taille qui provoquerait une surprise – qu’il espérait décisive – chez BB.
— Voyez, je vous ai préparé ce bureau, ici à gauche, dit-il en s’approchant du meuble.
Béatrix s’avança et considéra en souriant le joli petit meuble. Elle s’assit sur la chaise en bois recouverte d’un coussin vert et croisa ses jambes. Lorfeuvre fit un effort surhumain pour ne pas loucher sur elles. Sentant qu’il n’y arriverait pas, il fila se réfugier derrière son bureau. Une fois assis, il posa ses mains sur le bois et ferma à moitié ses yeux.
— Voilà, j’aimerais que vous quittiez votre poste de secrétaire à la PJ pour venir travailler ici, Béatrix.